Le coenseignement au secondaire : incursion dans le quotidien de Laura et Marie-Félix
Introduction
Cette année, nous avons vécu une expérience de coenseignement enrichissante dans une classe de français de secondaire 1. Bien que ce soit une pratique plus courante au primaire, nous pouvons dire sans équivoque que c’est possible d’y avoir recours au secondaire et que les retombées positives sont multiples. Laissez-vous tenter par l’aventure!
La mise en place : bien débuter son année
D’abord, il faut considérer l’aspect particulier d’un jumelage entre deux enseignantes qui travailleront ensemble toute une année. Un coenseignement imposé peut engendrer des prises de bec et des tensions puisque deux personnes peuvent avoir des visions différentes de la pédagogie et d’un environnement de classe propice aux apprentissages.
Un duo qui se choisit partage un respect mutuel ainsi qu’une chimie naturelle et s’entend souvent déjà sur de multiples éléments clés, comme avoir une vision commune de l’enseignement et un modèle de gestion de classe semblable, pour passer une bonne année scolaire à deux. La devise du coenseignement devrait être « vive le duo », et non « le coenseignement à tout prix ». C’est la volonté de travailler ensemble qui prime. Rappelons que les élèves sont sensibles et ressentent la dynamique instaurée en classe par leurs enseignantes, qu’elle soit positive ou négative.
Ensuite, nous avons tous nos préférences pour nous sentir à l’aise dans un local et pour l’organiser à notre façon. Il est important de trouver un local qui convient aux deux enseignantes. S’arrimer sur des stratégies d’organisation est aussi une étape importante puisqu’elle encadre la planification, l’organisation de l’espace dans le local, la gestion des projets à venir (et les nombreuses photocopies), etc. Il est primordial de trouver sa dynamique à deux pour éviter que ce soit chaotique en classe, la désorganisation n’est pas bénéfique pour les élèves (ni pour les enseignantes, d’ailleurs).
Évidemment, il faut que la communication soit constante et honnête, il ne faut pas avoir peur de nommer les choses qui accrochent ou de faire des suggestions pour les périodes à venir. Comme dans toute bonne relation interpersonnelle, la communication est la clé !
Il est également judicieux d’avoir un plus petit groupe composé d’élèves recommandés par les enseignantes de l’année précédente. Dès le premier cours, il faut expliquer aux élèves le concept du coenseignement et leur indiquer que c’est une belle chance d’avoir un accompagnement plus constant, complet et deux fois plus d’attention des enseignantes! Ultimement, la meilleure stratégie pour avoir une année réussie est de se faire confiance et de laisser place à l’erreur.
Bénéfices pour les élèves
Les bénéfices pour les élèves se concrétisent à de nombreux niveaux, tant au niveau pédagogique qu’humain.Proposer deux façons d’enseigner et de vulgariser permet de rejoindre le maximum d’élèves qui ont des cerveaux aux fonctionnements multiples et différents. En coenseignement, nous pouvons nous permettre de passer 20 minutes avec un élève pour revoir certaines notions lorsque nécessaire. De pouvoir s’attarder aussi longtemps à débloquer une incompréhension est un luxe en classe régulière. Deux sources de valorisation et d’encouragements sont aussi un moteur de motivation clair dans une petite classe en coenseignement.
Lors d’un cours dans une forme plus magistrale, pendant que l’enseignante fait de la modélisation, l’autre circule et peut intervenir de façon discrète pour l’élève qui manque une étape ou est dans la lune. Il est plus difficile de perdre sa concentration dans le fond de son coffre à crayons lorsque deux paires d’yeux nous observent et nous ramènent à la tâche : la proactivité est davantage assurée !
C’est un avantage de travailler à deux puisqu’il n’y a pas de temps mort lors d’une crise à gérer. Le cours continue sans être interrompu pour que l’enseignant.e puisse faire une intervention sans que les élèves perdent le fil.
D’ailleurs, les élèves ont la chance d’avoir deux adultes de confiance dans la même classe et de choisir à qui se confier selon leur type de personnalité, ce qui multiplie les chances de communiquer leurs inquiétudes ou un problème qui est survenu.
Finalement, une autre belle dimension humaine s’ajoute aux avantages du coenseignement : les élèves, en période de développement, sont témoins d’une relation d’amitié saine. Voir deux adultes qui se respectent travailler fort en équipe et rire ensemble permet d’avoir une image moins sérieuse de l’adulte et plus humaine.
Bienfaits pour les enseignantes
Voici plusieurs bienfaits que nous avons observés :
La rigueur dans le jugement professionnel est mise de l’avant puisque nous devons justifier notre jugement sur une évaluation en étant les plus justes et précises possibles;
Un bon équilibre est créé en prenant avantage des forces de chacun;
Une pluralité de façons d’aborder les réticences des élèves ou leurs difficultés;
Un atout d’avoir deux cerveaux pour trouver des solutions;
Les journées semblent plus rythmées puisque nous changeons de dynamique;
La gestion des courriels de parents à deux est non négligeable!
Retombées positives
Nous avons constaté une implication plus marquée des élèves lors du coenseignement. À force de marteler les stratégies et de s’assurer en circulant entre les bureaux qu’elles sont toujours appliquées par les élèves, un réinvestissement de celles-ci se fait plus systématiquement. Concrètement, les résultats au bulletin montrent que ça fonctionne.
Bien que plusieurs élèves ne soient pas sensibles à cette méthode, leurs troubles socioaffectifs prenant plus de place que leur trouble d’apprentissage, la majorité de nos vingt élèves ont bien répondu à la méthode du coenseignement. La progression pour plusieurs dépasse les attentes et est même plus que satisfaisante.
Au-delà des résultats chiffrés, les élèves de notre classe, qui vivent généralement peu de réussites scolaires, démontrent une fierté face à leur progression et une plus grande confiance en leurs compétences. Au cours de l’année, les élèves prenaient davantage la parole en groupe. Nous croyons fermement qu’un climat de classe sain et bienveillant leur a permis de développer des stratégies efficaces, mais surtout de réaliser tout leur potentiel pour transformer leurs difficultés en réussites !
Ressources pour aller plus loin
Un peu plus sur les autrices
Laura Lemay
Depuis 2017, Laura Lemay est enseignante au secondaire. Après avoir enseigné à plusieurs niveaux, ce sont les élèves de secondaire 1 qui ont conquis son cœur. Elle partage sa passion de la littérature jeunesse avec ses élèves, mais aussi avec le club de lecture. Laura a rencontré Marie-Félix Beauregard, sa partenaire de coenseignement, au cégep lors de leurs études préuniversitaires en lettres. C’est un hasard si elles se sont retrouvées 7 ans plus tard à la même école de Montréal.
Marie-Félix Beauregard
Avant sa maîtrise en enseignement du français au secondaire, Marie-Félix a fait un baccalauréat en littérature et en philosophie, en plus de suivre des cours d’écriture à l’école de l’humour. Grâce à son parcours, les interactions avec ses élèves sont teintées d’éthique, d’empathie et d’humour. Passionnée de grammaire, elle enseigne le français depuis maintenant 3 ans au premier cycle du secondaire. Marie-Félix a rencontré Laura Lemay, sa partenaire de coenseignement, au cégep lors de leurs études préuniversitaires en lettres. C’est un hasard si elles se sont retrouvées 7 ans plus tard à la même école de Montréal.